Du sentier à l'autoroute

Bien des gens ne connaissent de la forêt de Soignes que les embouteillages sur le ring de Bruxelles — notamment au carrefour Léonard — dus à l’explosion du trafic automobile des années 1950-60. Mais comment se fait-il que la forêt soit traversée par de tels axes ?

 Des chemins « naturels » aux premières chaussées

 Les premiers chemins forestiers doivent être des pistes tracées par le passage répété des troupeaux paissant en forêt et reliant les villages qui la bordent. Menant jadis d’Auderghem à Overijse, un fragment d’un tel chemin charretier subsiste en contrebas du chemin pavé dominant le château de Trois-Fontaines.

 Le Walsche wech (chemin des Brabançons wallons allant à Bruxelles) doit lui ressembler. Rectifié et lentement pavé de 1569 à 1665 pour faciliter le transport du bois vers Bruxelles, il devient la chaussée de Waterloo, village de charrons, selliers, paveurs et aubergistes, né de la route, comme les hameaux forestiers qui la jalonnent : Langeveld, Vert-Chasseur, Vivier d’Oie, Espinettes… D’autres chaussées sont tracées pour aider au développement économique : vers La Hulpe (1681), Wavre (1726) — avec embranchement d’Auderghem à Tervuren pour faciliter l’accès de la Cour à sa résidence d’été — et de Joli-Bois aux Quatre-Bras de Tervuren (1831-1836).

 Bordées d’arbres, étroites (une dizaine de mètres), ces chaussées au trafic épisodique ne perturbent guère la vie forestière ; la ligne ferroviaire de Namur (1854) non plus. Les drèves tracées aux 17e et 18e siècle pour faciliter les chasses encore moins.

Elargir les routes aggrave les « bouchons »…

 C’est la popularisation de l’automobile après 1945 qui saccage la forêt en créant la E 411 et le ring : l’élargissement brutal des routes existantes ouvre la forêt aux vents violents, quadrille la forêt d’axes polluants, infranchissables pour les promeneurs et la faune qui — se reproduisant en vase clos — risque de dégénérer. Le vacarme permanent perturbe même la communication des oiseaux !

 

 

Embouteillages sur le ring de Bruxelles non loin du pont de Groenendaal

 

Tout cela pour faciliter le trafic… qui ne tarde pas à s’engorger de nouveau, nourrissant l’avidité des bétonneurs pour de nouveaux travaux, au point de projeter d’élargir le ring Nord jusqu’à 17 bandes… ! Qui croira que cet élargissement ne débouchera pas — c’est le mot ! — sur sa partie forestière ? Ne voulons-nous pas voir que le « remède » aggrave le mal ?

 Elargir la ligne ferroviaire de Namur en RER réduira-t-il (peut-être) la croissance du nombre de navetteurs routiers ? Clôturé, il forme une nouvelle barrière infranchissable. La construction (coûteuse) d’écoducs permettant à la grande faune de franchir les obstacles à ses déplacements n’est qu’une solution partielle.

 Que faire ?

 Ce n’est que d’une politique cohérente de la mobilité que viendra la solution aux problèmes posés par le nomadisme quotidien. Disperser dans l’habitat des lieux de production qui n’ont plus rien des usines de jadis, est-ce un  rêve insensé ?